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jeudi 2 décembre 2010

REVISION DU SYSTEME PENAL CANONIQUE

CITE DU VATICAN, 2 DEC 2010 (VIS). Voici l'article publié par Mgr.Juan Ignacio Arrieta. Secrétaire du Conseil pontifical pour les textes législatifs, qui sera publié après demain dans la Civiltà Cattolica:

   "Le Conseil pontifical enverra prochainement à ses Membres et Consulteurs un projet contenant quelques propositions pour la réforme du livre VI du code de droit canonique, qui est la base du système pénal de l'Eglise. Une commission d'experts pénalistes a travaillé pendant presque deux ans à la révision du texte promulgué en 1983, à la lumière des nécessités apparues au cours des années qui ont suivi. Le but est de conserver la structure générale et la numération successive des canons, mais aussi, en même temps, de modifier de manière décisive quelques choix de l'époque qui se sont révélés par la suite moins appropriés. Cette initiative, dont l'application définitive devra attendre l'achèvement des consultations pour être présentée à l'approbation éventuelle du législateur suprême qu'est le Pape, a pour origine le mandat explicite confié au Président et au Secrétaire de ce dicastère par Benoît XVI, au cours de la première audience accordée aux nouveaux supérieurs, le 28 septembre 2007. Dès cette rencontre et des problèmes d'ordre technique qui s'y firent jour, il est apparu clairement que cette indication correspondait à une conviction profonde du Souverain Pontife, mûrie au long d'années d'expérience directe, ainsi qu'à une préoccupation de préservation de l'intégrité et de l'application cohérente de la discipline au sein de l'Eglise. Conviction et préoccupation qui, comme on le verra par la suite, ont guidé les pas du Pape actuel dès le début de son travail comme Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, malgré des difficultés objectives provenant, entre autres, du moment législatif particulier que vivait alors l'Eglise, au lendemain de la promulgation du code de droit canonique en 1983. Pour mieux en prendre la mesure, il convient de rappeler quelques particularités du cadre législatif qui, à l'époque, venait tout juste d'être redéfini:

  Le système pénal du Code de 1983 est doté d'une structure substantiellement nouvelle par rapport au précédent Codex de 1917, et il s'insère dans le contexte ecclésiologique défini par le Concile Vatican II. A présent, pour ce qui nous concerne, la discipline pénale veut s'inspirer également des critères de subsidiarité et de décentralisation (cinquième principe directeur pour la révision du CIC approuvé par le Synode des évêques de 1967), concept utilisé pour indiquer l'attention spéciale réservée au droit particulier et, surtout, à l'initiative de chaque évêque dans le gouvernement pastoral, puisque, selon l'enseignement du Concile, les évêques sont les vicaires du Christ dans leurs diocèses respectifs. Dans la plupart des cas, en effet, le code confie à l'appréciation des ordinaires du lieu et des supérieurs religieux le discernement sur l'opportunité ou non d'imposer des sanctions pénales, et sur la manière de le faire dans les cas concrets.  Mais un autre facteur a marqué, de manière encore plus profonde, le nouveau droit pénal canonique. Ce sont les formalités juridiques et les modèles de garantie établis pour appliquer les peines canoniques (sixième et septième principes directeurs pour la révision du CIC). Conformément à l'énoncé des droits fondamentaux de tous les baptisés, qui, pour la première fois, apparaissait dans le code, furent en effet adoptés alors des systèmes de protection et de sauvegarde de ces droits, en partie tirés de la tradition canonique et en partie déduits d'autres expériences juridiques, parfois d'une manière qui ne correspondait pas totalement à la réalité de l'Eglise dans le monde entier. Les garanties sont incontournables, en particulier dans le système pénal. Toutefois il faut qu'elles soient équilibrées et qu'elles permettent aussi la préservation effective de l'intérêt collectif. L'expérience ultérieure a montré que certaines techniques mises en œuvre par le code pour garantir les droits n'étaient pas incontournables pour assurer leur sauvegarde de la manière que la justice exige, et qu'elles auraient pu être substituées par d'autres garanties plus en harmonie avec la réalité ecclésiale. A l'inverse, ces techniques représentaient, en divers cas, un obstacle objectif, parfois insurmontable à cause du manque de moyens, à l'application effective du système pénal.
   
  Aussi paradoxale que puisse paraître maintenant une telle constatation, on pourrait dire que le livre VI sur les sanctions pénales, est, parmi les livres du code, celui qui a le moins bénéficié des continuelles variations normatives qui ont caractérisé la période postconciliaire. D'autres secteurs de la discipline canonique, en effet, eurent à cette époque-là la possibilité d'être confrontés à la réalité concrète de l'Eglise à travers différentes normes ad experimentum, qui permirent par la suite d'évaluer les résultats, positifs ou négatifs, au moment de rédiger les normes définitives du code. Le nouveau système pénal, à l'inverse, tout en étant tout à fait nouveau, ou presque, par rapport au précédent, s'est vu privé de cette opportunité de recourir à l'expérimentation, si bien qu'il partit pratiquement de zéro en 1983. Le nombre des délits caractérisés avait été réduit de manière drastique aux seuls comportements d'une gravité spéciale, et l'imposition des sanctions, soumise aux critères d'appréciation de chaque ordinaire, qui étaient inévitablement différents. Il faut ajouter que dans ce secteur de la discipline canonique se faisait sentir fortement, encore aujourd'hui, l'influence d'un anti-juridisme diffus, qui se traduisait, entre autres, par la fausse difficulté de réussir à concilier les exigences de la charité pastorale avec celles de la justice et du bon gouvernement. Au point que dans leur rédaction certains canons du code lui même contiennent en effet des invitations à la tolérance qui pourraient parfois être indûment vues comme une volonté de dissuader l'ordinaire de l'utilisation des sanctions pénales, là où cela serait nécessaire pour des exigences de justice. Ces indications, qui ont besoin évidemment d'être nuancées, même s'il n'est pas possible de le faire en quelques lignes, présentent, en termes généraux, quelques lignes de force du système pénal contenu dans le code actuel, lequel s'insérait en outre dans le contexte général d'autres importantes innovations disciplinaires ou de gouvernement, promues, certes par Vatican II, mais cristallisées seulement au moment de la promulgation du code.

 La requête de la Doctrine de la foi (février 1988).
Dans ce cadre législatif, que j'ai essayé d'illustrer, une lettre, adressée le 19 février 1988 par le Préfet de ce qui était alors la Congrégation pour la doctrine, le Cardinal Joseph Ratzinger, au Président de ce qui était alors la Commission pour l'interprétation authentique du code de droit canonique, représenta un élément évident de contraste. Il s'agit d'un document important et unique, où sont dénoncées les conséquences négatives que commençaient à produire dans l'Eglise certaines options du système pénal établi à peine cinq ans plus tôt. Cet écrit est réapparu dans le cadre des travaux réalisés ces temps-ci par le Conseil pontifical pour les textes législatifs afin de revoir le livre VI. Le motif de la lettre est bien circonscrit. La Congrégation pour la doctrine de la foi, était, à cette époque, compétente pour étudier les demandes de dispense des obligations sacerdotales liées à l'ordination. Cette dispense était accordée comme un geste maternel de grâce de la part de l'Eglise, après avoir, d'une part, examiné attentivement l'ensemble de toutes les circonstances concomitantes dans chaque cas, et, d'autre part, pesé la gravité objective des engagements pris devant Dieu et devant l'Eglise au moment de l'ordination sacerdotale. Les circonstances qui motivaient certaines demandes de dispense de ces obligations, toutefois, ne méritaient absolument pas des actes de grâce. Le texte de la lettre est à cet égard suffisamment éloquent sur cette problématique: Eminence, ce dicastère, dans l'examen des demandes de dispense des obligations sacerdotales, est confronté au cas de prêtres qui, durant l'exercice de leur ministère, se sont rendus coupables de comportements graves et scandaleux, pour lesquels le CIC, après la procédure de rigueur, prévoit que soient infligées des peines déterminées, sans exclure la réduction à l'état laïc. Ces mesures, de l'avis de ce dicastère, devraient, dans de tels cas, pour le bien des fidèles, précéder l'éventuelle concession de la dispense sacerdotale qui, de par sa nature, apparaît comme une grâce accordée à celui qui la demande. Mais, compte tenu de la complexité de la procédure prévue à ce sujet par le code, il est à prévoir que certains ordinaires trouvent de grandes difficultés à la mettre en œuvre. Je serais donc très reconnaissant à Votre Eminence de bien vouloir me faire connaître son avis quant à l'éventuelle possibilité de prévoir, en des cas bien déterminés, une procédure plus rapide et simplifiée.

  Cette lettre reflète, avant tout, la répugnance instinctive du système de Justice à concéder comme acte de grâce (la dispense des obligations sacerdotales) quelque chose qu'il faut, au contraire, imposer comme une peine (démission ex poena de l'état clérical). En voulant éviter en effet les complications techniques des procédures prévues par le code pour punir des conduites délictueuses, on faisait parfois appel à la requête volontaire du coupable d'abandonner le sacerdoce. De cette manière, on arrivait, pour ainsi dire, au même résultat pratique, celui d'expulser le sujet du sacerdoce si telle était la sanction pénale prévue, en contournant en même temps des procédures juridiques embarrassantes. C'était une manière pastorale d'agir, disait-on dans ces cas, en marge de ce que prévoyait le droit. En agissant ainsi, toutefois, on renonçait aussi à la justice et, comme le motivait le Cardinal Ratzinger, le bien des fidèles était injustement mis de côté. C'était bien là le motif central de la requête, et non seulement la raison pour laquelle il fallait donner une priorité, dans ces cas, à l'imposition de justes sanctions pénales au moyen de procédures plus rapides et simplifiées que celles indiquées dans le code de droit canonique. Il faut tenir compte du fait que, bien que le code reconnaisse à la Congrégation pour la doctrine une juridiction spécifique en matière pénale, y compris en dehors des cas de caractère doctrinal évident, par exemple les délits d'hérésie. Mais aussi des délits plus graves concernant le sacrement de la Pénitence, comme le délit de la sollicitation, il n'apparaissait pas du tout clairement, dans le contexte normatif d'alors, quels autres délits concrets pouvaient entrer dans les compétences pénales de ce dicastère. Le canon 6 du code avait, par ailleurs, abrogé expressément toute autre loi pénale existant auparavant: Avec l'entrée en vigueur de ce code sont abrogés... toute loi pénale quelle qu'elle soit, universelle ou particulière émise par le Siège apostolique, à moins qu'elle ne soit reprise par ce même code. Et, de plus, les normes de la Constitution apostolique Regimini Ecclesiae Universae de 1967, qui déterminaient la compétence des dicastères de la Curie romaine, se limitaient à confier à la Congrégation la tâche de conserver la doctrine concernant la foi et les mœurs dans tout le monde catholique. La lettre du Préfet de la Congrégation suppose donc que la responsabilité juridique en matière pénale retombe sur les ordinaires ou sur les Supérieurs religieux, comme le montre la lecture du code.

La réponse de la Commission pontificale pour l'interprétation (mars 1988). En moins de trois semaines, par lettre du 10 mars 1988, arriva la réponse de la Commission pontificale. La rapidité et le contenu de la réponse sont compréhensibles compte tenu du moment législatif particulier. Le travail de codification qui avait occupé la Commission pendant des années, venait à peine d'être terminé et, de fait, il restait encore à compléter toutes les adaptations à la nouvelle discipline canonique des autres normes du droit universel et particulier, sans compter celles qui étaient propres aux autres institutions du gouvernement de l'Eglise. La réponse partageait bien entendu les motivations adoptées et le bien fondé du critère d'appliquer les sanctions pénales avant d'accorder des grâces. Toutefois, il était inévitable qu'elle confirme aussi la nécessité prioritaire, pour ceux qui avaient l'autorité et le pouvoir juridique, de donner la suite qui leur était due aux normes du code qui venait d'être promulgué. Le texte que le Président en exercice de la Commission pontificale envoya au Cardinal Préfet de la doctrine de la foi témoignait aussi de la situation du moment:

  Je comprends bien la préoccupation de Votre Eminence au sujet du fait que les ordinaires concernés n'aient pas d'abord exercé leur pouvoir judiciaire pour punir, comme il se doit, en vue de préserver le bien commun des fidèles, de tels délits. Toutefois, il ne semble pas s'agir ici d'un problème de procédure juridique mais d'un exercice responsable de la fonction de gouvernement. Dans le code en vigueur ont été clairement définis les délits qui peuvent impliquer la perte de l'état clérical: ceux-ci sont décrits aux canons 1364,1, 1367, 1370, 1387, 1394 et 1395. En même temps, la procédure, par rapport aux précédentes normes du CIC de 1917 a été très simplifiée et rendue plus rapide et souple, afin de stimuler les ordinaires dans l'exercice de leur autorité, par le jugement nécessaire des coupables ad normam iuris et l'application des sanctions prévues. S'efforcer de simplifier davantage la procédure judiciaire pour infliger ou déclarer des sanctions aussi graves que la démission de l'état clérical, ou encore, modifier la norme actuelle du can. 1342,2, qui interdit dans ces cas de procéder par décret administratif extrajudiciaire, ne semble pas du tout souhaitable. En effet, d'une part, le droit fondamental de défense serait alors mis en danger dans des causes qui concernent l'état de la personne, tandis que, d'autre part, serait favorisée ainsi la tendance néfaste liée sans doute à une faible connaissance ou estime du droit, à un soi-disant gouvernement pastoral équivoque, qui au fond n'a rien de pastoral car il conduit à négliger le nécessaire exercice de l'autorité au détriment du bien commun des fidèles. Même en d'autres périodes difficiles de la vie de l'Eglise, marquées par l'obscurcissement des consciences et le relâchement de la discipline ecclésiastique, les pasteurs n'ont pas manqué d'exercer leur pouvoir judiciaire, pour conserver le bien suprême du  Salus Animarum.

  La lettre fait ensuite un excursus sur le débat qui, au cours des travaux de révision du code, s'était développé avant de décider de ne pas y insérer la démission dite ex officio de l'état clérical. On était d'avis, en effet, que les causes qui pourraient justifier une telle procédure ex officio étaient presque toutes décrites dans les délits pour lesquels était prévue la démission de l'état clérical, si bien que, pour ce motif même, les nouvelles Normes concernant la dispense du célibat sacerdotal, du 14 octobre 1980, ne faisaient même pas allusion à cette procédure, qui, à l'inverse, était admise dans les normes précédentes de 1971. Tout bien considéré, concluait la réponse, la Commission pontificale est d'avis qu'il soit opportun d'insister auprès des évêques afin que, toutes les fois où cela s'avère nécessaire, ils ne manquent pas d'exercer leur pouvoir judiciaire et de contrainte, au lieu de transmettre au Saint-Siège les demandes de dispense. Tout en partageant l'exigence de fond de protéger le bien commun des fidèles, la Commission pontificale pensait en effet qu'il était risqué de renoncer à certaines garanties concrètes au lieu d'exhorter ceux qui en avaient la responsabilité à appliquer les dispositions du droit.
   
  L'échange de lettres entre les dicastères se termina, à l'époque, par une réponse courtoise, du 14 mai suivant, du Préfet de la Congrégation au Président de la Commission pontificale :

  Je suis heureux de vous faire savoir que notre dicastère a bien reçu l'avis apprécié que vous avez donné à propos de la possibilité de prévoir une procédure plus rapide et simplifiée que l'actuelle pour l'application d'éventuelles sanctions de la part des ordinaires compétents, à l'égard de prêtres qui se sont rendus coupables de comportements graves et scandaleux. Je puis assurer Votre Eminence que la Congrégation ne manquera pas de prendre attentivement en considération ce que vous avez indiqué.

La Pastor Bonus étend les compétences de la Congrégation (juin 1988)
. Le débat semblait formellement clos, mais le problème n'était pas résolu. De fait, le premier signe important de changement de la situation vint, par une voie différente, précisément un mois après, avec la promulgation de la Constitution apostolique Pastor Bonus qui modifiait l'organisation générale de la Curie romaine, établie en 1967 par la Regimini Ecclesiae Universae, en redistribuant les compétences des divers dicastères. L'art. 52 de cette norme pontificale, encore en vigueur aujourd'hui, prévoit clairement la juridiction pénale exclusive de la Congrégation pour la doctrine de la foi, non seulement en ce qui concerne les délits contre la foi ou dans la célébration des sacrements, mais aussi en ce qui concerne les délits les plus graves commis contre la morale. La Congrégation pour la doctrine juge les délits contre la foi et les délits les plus graves commis soit contre la morale soit dans la célébration des sacrements, qui lui sont signalés et, en l'occurrence, elle déclare ou  inflige les sanctions canoniques prévues soit par le droit commun soit par le droit propre.

  Ce texte, évidemment proposé par la Congrégation présidée par le Cardinal Ratzinger à partir de sa propre expérience, est en relation directe avec ce que nous sommes en train de voir et il acquiert une signification plus grande encore si l'on tient compte du fait que la précédente mouture de cette loi, le Schema Legis Peculiaris de Curia Romana, préparé trois ans auparavant, se limitait pratiquement à reprendre la formulation des compétences de ce dicastère telle qu'elles étaient exposées en 1967 dans Regimini, disant simplement que la Congrégation:  Delicta contra fidem cognoscit, atque ubi opus fuerit ad canonicas sanctiones declarandas aut irrogandas, ad normam iuris procedit. Par rapport à la situation précédente, donc, le changement apporté par la Constitution apostolique Pastor Bonus revêt une grande importance, d'autant plus que, cette fois, il était effectué dans la perspective normative du code de 1983 et en référence aux délits qui y sont décrits, en plus du droit propre de la Congrégation elle-même. Dans un cadre normatif réglé par les fameux critères de subsidiarité et de décentralisation, la Pastor Bonus constituait alors un acte juridique qui réservait au Saint-Siège toute une catégorie de délits, que le Souverain Pontife confiait à la juridiction exclusive de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il est improbable qu'un choix de ce genre, qui définissait mieux les compétences de la Congrégation et modifiait le critère du code concernant celui qui devait appliquer ces peines canoniques, aurait pu être fait si le système avait, d'une manière générale, bien fonctionné. Cette norme, toutefois, était encore insuffisante sur le plan opérationnel. D'élémentaires exigences de sécurité juridique imposaient en effet la nécessité d'identifier en premier lieu quels pouvaient être concrètement ces " délits les plus graves " aussi bien ceux contre la morale que ceux commis dans la célébration des sacrements que la Constitution apostolique Pastor Bonus confiait à présent à la Congrégation en les enlevant à la juridiction des ordinaires.

Deux importantes interventions postérieures: Les épisodes évoqués jusqu'à présent concernent, comme on l'a vu, un bref laps de temps, quelques mois de la première moitié de 1988. Au cours des années qui ont suivi, et d'une manière générale, on s'est encore efforcé de faire face aux urgences apparues dans le cadre pénal de l'Eglise en suivant les critères généraux du code de 1983, substantiellement résumés dans la lettre de la Commission pontificale pour l'interprétation du code. On prit soin, en effet, d'encourager l'intervention des ordinaires du lieu, en voulant parfois faciliter les procédures ou bien en introduisant un droit spécial, en dialogue essentiellement avec les conférences épiscopales intéressées. Durant les années 1990, les réunions et les projets de ce genre se sont multipliés, concernant divers dicastères de la Curie romaine et il est facile de le montrer.L'expérience qui continuait à prévaloir confirmait toutefois l'insuffisance de ces solutions et la nécessité d'en trouver d'autres, qui soient plus amples et se situent à un autre niveau. Deux d'entre elles, d'une manière particulière, ont modifié de façon significative le cadre du Droit pénal canonique sur lequel le Conseil pontifical pour les textes législatifs a dû travailler ces derniers mois. Et, toutes deux ont pour requérant l'actuel Pape, dans une parfaite continuité avec les préoccupations exprimées dans la lettre de 1988 que nous avons considérée.

    La première initiative, désormais assez connue, concerne la préparation, durant la dernière période des années 1990, des Normes sur ce qu'on appelle les Delicta Graviora, qui ont permis de rendre effectif l'art. 52 de la Constitution apostolique Pastor Bonus, en indiquant concrètement quels délits contre la morale et quels délits commis dans la célébration des sacrements devaient être considérés particulièrement graves, et donc de la juridiction exclusive de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Ces normes, finalement promulguées en 2001, apparaissent nécessairement à contre-courant par rapport aux critères prévus par le code pour l'application des sanctions pénales, si bien qu'en de nombreux milieux elles furent immédiatement qualifiées de normes centralisatrices, alors qu'en réalité, elles répondaient à une obligation précise de suppléance, qui tentait, in primis, de résoudre un grave problème ecclésial de fonctionnement du système pénal, et, in secundis, d'assurer un traitement uniforme de ce genre de causes dans toute l'Eglise. Dans ce but, la Congrégation dut préparer en premier lieu les normes internes de procédure correspondantes, et également réorganiser le Dicastère pour lui permettre d'exercer cette activité judiciaire en accord avec les règles de procédure du code. En outre, au cours des années qui suivirent 2001, et sur la base de l'expérience juridique qui naissait, le Préfet de la Congrégation de l'époque obtint du Saint-Père de nouvelles facultés et dispenses pour faire face aux diverses situations, aboutissant même à la définition de nouveaux cas d'espèce pénaux. On parvint en même temps à la conviction que la grâce de la dispense des obligations sacerdotales et la réduction, par voie de conséquence, à l'état laïc de clercs qui se sont reconnus coupables de très graves délits était aussi une grâce concédée pro bono Ecclesiae. Pour le même motif, dans certains cas particulièrement graves, la Congrégation n'hésita pas à solliciter du Souverain Pontife le décret de démission ex officio de l'état clérical à l'égard des clercs qui avaient commis des crimes abominables. Ces adaptations successives sont réunies maintenant dans les normes sur les delicta graviora publiées par la Congrégation au mois de juillet dernier.

  Toutefois, le Pontife actuel a pris une deuxième initiative, beaucoup moins connue, à laquelle je voudrais brièvement faire allusion, car elle a certainement contribué à modifier le panorama de l'application du droit pénal dans l'Eglise. Il s'agit de son intervention, en tant que Membre de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, dans la préparation des facultés spéciales concédées à cette Congrégation pour faire face, en vue aussi d'une nécessaire suppléance, à d'autres types de problèmes disciplinaires dans les pays de mission. En fait, il n'est pas difficile de comprendre qu'à cause du manque de moyens en tous genres, les obstacles pour mettre en œuvre le système pénal du code se présentèrent de manière particulière dans les circonscriptions missionnaires, qui dépendent de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples et qui, grosso modo, représentent presque la moitié du monde catholique. C'est pourquoi, à l'Assemblée plénière de février 1997, cette congrégation décida de demander au Saint-Père des facultés spéciales pour lui permettre d'intervenir, par voie administrative, dans des situations pénales précises, et ce, en marge des dispositions générales du code, à cette assemblée plénière, le Rapporteur était le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de l'époque. Comme on le sait, ces facultés ont été mises à jour et élargies en 2008, et d'autres, de nature analogue, même si spécifiques à cause de leurs nécessités particulières, ont été concédées par la suite à la Congrégation pour le Clergé.

  Il ne semble pas nécessaire d'ajouter autre chose. En des circonstances appropriées ont déjà été publiées des études qui montrent suffisamment les variations advenues dans le droit pénal de l'Église à travers toutes ces initiatives. L'expérience nous dira dans quelle mesure les modifications que l'on désire apporter à présent au livre VI réussiront à rééquilibrer la situation. Je tenais surtout à présent à souligner le rôle déterminant joué, dans ce processus, datant de plus de vingt ans, de rénovation de la discipline pénale, par l'action décisive de l'actuel Pape, au point de constituer véritablement, avec beaucoup d'autres initiatives concrètes, une des constantes qui a caractérisé l'action de Joseph Ratzinger".
.../                                                           VIS 20101202 (4030)

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